Dans l'Espagne postfranquiste, il est difficile de se détacher de son entreprise, elle fait partie de votre âme et de votre vie. Il n’est d’ailleurs pas question de ne pas aimer son entreprise. Et on l’aime tellement son entreprise, qu’on n’a pas besoin de se faire payer ni un salaire décent ni les heures sup pour venir travailler.
Ceci dit, un salutaire surplus d'énergie nordiste m'a fait changer d'idée et j’ai donné ma démission il y a de cela déjà un mois. Du jour au lendemain, on m’a traité comme un véritable traitre à la cause, on ne me disait plus bonjour dans les couloirs (je parle de mon directeur, pas de mes chers collègues), on vérifiait ce que j’emportais avec moi le soir, on m’empêchait d’accéder au serveur pour ne pas que j’efface toutes les données top-secrète CIA de l’entreprise… Contre vent et marrée j’ai amené un peu de vin, de jambon et de tortilla pour inviter mes collègues le dernier jour. Je dis contre vent et marré car il est interdit par mon ex entreprise de faire ce genre de chose. Je remercie d’ailleurs mes collègues qui à cette occasion m’ont remis une belle montre et une carte avec plein de petits mots.
Et voilà, maintenant j’ai intégré ma nouvelle famille, bien mieux que l’ancienne bien sûr, où on m’a accueilli avec des paroles bien chaleureuse :
« Tu dois faire 8h22 par jours mais si tu fais 9h30 je serai content »
Sûr que j’ai fait le bon choix.
Et je ne parlerai pas de mon salaire qui selon toutes les études scientifiques et savantes devrait être d’au moins 4 fois celui d’Esther (une femme !) mais qui reste désespérément sous le sien.